Attention? Concentration? 3ème partie

                                L’attention limitée

        A la demande de certains lecteurs et également pour introduire ce nouvel article qui fait suite à celui sur l’attention sélective, j’explique le « jeu » issu de l’exercice suivant: sur le tableau de gauche, lisez cette liste et dites la couleur de chaque mot, pas le mot lui même. Courage…car la lutte entre votre cerveau droit et votre cerveau gauche sera rude.

        En psychologie, l’effet Stroop désigne l’interférence observée entre une tâche principale et un processus cognitif interférant. Par exemple entre le fait de devoir nommer une couleur (tâche principale) dans laquelle est écrite un mot, et le mot lui-même qui est le nom d’une autre couleur, l’interférence étant provoquée par un processus mental de lecture automatique…d’où la longueur que vous mettez pour réaliser correctement et rapidement la lecture demandée.

 

                                                                  Attention!!! votre attention est limitée.

        Keele (1973) fut l’un des premiers psychologues à dire que l’être humain avait une capacité de traitement de l’information limitée. Être attentif demande un effort et consomme plus ou moins d’énergie selon l’objet de l’attention, le contexte mais aussi et surtout selon l’individu. L’attention correspond ainsi à une capacité limitée du traitement de l’information. En effet, chaque individu est capable de traiter une quantité plus ou moins grande de stimuli. C’est ce que l’on appelle la capacité attentionnelle de l’individu.

        Cette considération sous-entend que les différentes tâches mentales et motrices nécessitent un espace de traitement de l’information limité (R.H Cox). Si une tâche, quelle qu’elle soit, mobilise l’intégralité de l’espace de traitement, toute l’attention disponible se fixe alors dessus, au détriment des autres. En revanche, si tout l’espace n’est pas totalement utilisé, l’individu peut alors exécuter une autre tâche en même temps, en fonction des exigences de cette seconde tâche en terme d’attention. On fait alors référence au modèle de capacité de l’attention sélective. Le sportif (ou tout autre individu désireux de fixer son attention pour réaliser correctement une tâche) doit donc connaître les éléments sur lesquels il est nécessaire de diriger son attention pour exécuter avec efficience une tâche, une action motrice, un choix tactique, une réflexion etc. Pourquoi? parce que notre système de traitement de l’information est limité en capacité et qu’il est donc difficile (impossible!) de tout pouvoir (et vouloir) contrôler en même temps.

        Pour développer son attention, le sportif doit donc apprendre à anticiper la sélection des informations pertinentes; identifier puis contrôler les facteurs de distraction (générés par le stress, la fatigue et l’environnement compétitif); reconnaitre les modes de focalisation nécessaires à la réalisation de la tâche et savoir passer efficacement d’un mode de focalisation à un autre. Par exemple, au football, lorsque son équipe n’a pas la balle, un défenseur peut être attentif à son attaquant, à son placement, ou encore à une zone précise du terrain selon le contexte du moment, puis il doit être attentif à d’ autres éléments lorsque son équipe récupère la possession (aide au porteur de balle, démarquage, appel en profondeur…) avec en prime, une nécessité de réaliser tout cela le plus rapidement possible, du fait de la vitesse du jeu qu’impose le très haut niveau. Si nous avons expliqué dans un article précédant qu’il n’est pas possible de porter son attention sur plusieurs choses en même temps, alors comment expliquer le fait qu’il soit possible de conduire une voiture, de mettre son clignotant, regarder dans son rétro-viseur, regarder un sms, parler au passager, écouter les informations à la radio…et tout cela en même temps? De même, comment fait un joueur de tennis, lorsqu’il reçoit la balle et qu’il doit considérer la trajectoire et l’effet de la balle, l’endroit du rebond et en même temps (la liste n’est pas exhaustive) se placer, préparer son coup, sa prise de raquette, ajuster son placement, considérer le vent, l’endroit d’où il frappe, la position et l’attitude de son adversaire, faire un choix tactique de remiser ou d’attaquer…? la réponse est l’automatisation du geste. Plus un sujet maîtrise l’exécution d’un geste moteur, moins il a besoin de soutenir son attention…et mieux, il peut diriger son attention sur d’autres facteurs pour optimiser sa réponse.

        Ainsi, un individu ne pouvant réaliser une tâche non automatisée, se retrouve dans l’obligation de devoir orienter son attention vers trop d’informations extérieures et secondaires en même temps. Ceci entraîne une surcharge cognitive, qui parfois génère du stress ou de l’anxiété (cognitive et/ou somatique) ou parfois simplement une fatigue mentale et/ou physique, réduisant ainsi l’ efficacité recherchée en altérant la performance de manière plus ou mois significative selon les individus.

        Savoir exploiter au mieux les ressources attentionnelles, et ne pas les gaspiller en se focalisant sur des informations non utiles voire parasites (douleurs physiques, pensées négatives, problèmes d’arbitrage, hurlements d’un spectateurs…) nécessite un apprentissage et un entrainement spécifique. Si ce travail peut être proposé par un préparateur mental, ces notions d’attention sélective et de limite de la capacité de traitement de l’information concernent également d’autres intervenants. L’entraineur, l’enseignant, l’éducateur, le parent…et toute personne qui s’intéresse à l’optimisation de la performance en demandant à un individu de prendre en compte une quantité d’informations dépassant sa capacité de traitement, fort est à parier que l’issue sera l’échec de la réalisation de la tâche qui lui est demandée.

 

Clément Durou

 

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