Détection et formation du futur N°1 mondial

 

Détection et formation du futur N°1 mondial

 

           Suite à la lecture de l’article « Tennis : la formation à la française contre l’élitisme », comme une balle de tennis, je rebondis en essayant de saisir au bond, cette opportunité d’être encore une fois, un brin provocateur… afin de secouer le conformisme. Non, rassurez-vous, je ne vais pas vous dire que la fédération de tennis compte, dans ses pôles espoir ainsi qu’au CNE (Centre National d’Entrainement de Roland Garros), des dizaines d’entraineurs de tennis, de préparateurs physiques et de médecins en tout genre (du sport, physiothérapeutes, spécialistes du genou, chirurgiens et même un dentiste?!) tous hautement indispensables, pour O préparateur mental et O psychologue du sport à temps plein. Au tennis (Pete Sampras, André Agassi, Roger Federer, Andy Murray, Justine Hénin, Monica Seles, Victoria Azarenka), Tiger Woods au golf , Teddy Riner au judo, et bien d’autres encore, ont travaillé avec un préparateur mental. Notez au passage, qu’ils ont tous été, ou sont encore, champion du monde de leur sport. Je ne vais pas non plus vous faire l’affront ( l’offense?!) de donner des chiffres pouvant comparer ce qui ce fait à l’étranger (par ex: le club de Football professionnel de Séville dispose de 10 préparateurs mentaux à temps plein) et expliquer que dans certains pays (EU, Canada, Suisse, Australie, Espagne…), la présence d’un préparateur mental et d’un psychologue du sport ne souffre d’aucune contestation et est aussi légitime que celle du préparateur physique, du kinésithérapeute, du diététicien, du physiothérapeute, du médecin, du porteur d’eau…au sein du staff. Non, je ne vais pas vous parler de ce sujet brûlant qu’est le « faible mental des français », car la chasse aux sorcières n’est pas encore achevée. J’ai des sportifs à accompagner mentalement et je ne voudrais pas les mettre en difficultés. Alors que le sport français commence à ouvrir les yeux sur l’importance du travail mental, il faudra, comme pour la préparation physique, attendre que les entraineurs français délèguent les missions pour lesquelles ils ne sont pas les mieux formés ou les plus compétents. Et oui, comme le physique, le mental des champions s’entraîne, il n’est pas inné! Ici ou là, nous entendons parler de l’intervention d’un (p)réparateur mental…qui ferait le pompier de service ou le fusible d’un staff lorsque rien ne va plus et que la maison brûle . Le sport français aura progressé le jour où les sportifs ne me diront plus « je veux bien que tu m’aides pour optimiser mes performances mais je ne veux surtout pas que l’on sache que l’on travaille ensemble. Si jamais mon coach, mon staff, les médecins, mon sponsor et surtout les médias l’apprennent…je vais avoir des problèmes ». Le jour où l’on nommera un préparateur mental pour accompagner mentalement un sportif, même lorsque « tout va bien », alors là…nous verrons si les sportifs français sont si faibles que ça mentalement! Chaque habileté mentale (confiance, motivation, gestion du stress et des émotions…) est perfectible et entrainable à l’aide de techniques spécifiques. Peut-on demander à un enfant de lire un livre si on ne lui a pas appris à lire? Doit-il s’arrêter de lire une fois qu’il sait lire? S’il ne comprend pas un texte, le professeur doit-il lui dire d’arrêter de lire? Si les sportifs français sont taxés d’être « faibles mentalement », je reste convaincu que ce n’est pas de leur faute. Évidemment que le travail mental ne remplace pas le travail physique, tactique et technique mais la construction d’un joueur doit être un tout, une globalité…et n’en déplaise à certains, je ne suis pas sûr que toutes ces dimensions soient travaillées de manière optimale, dans tous les sports, pour espérer voir éclore le futur champion du monde.

        Bref, revenons à nos moutons, ou à nos balles de tennis car le sujet de l’article concerne la détection des « futures stars » du tennis français…remise en question par la DTN elle-même.

        Depuis que l’Homme est, il n’a eu de cesse de sélectionner. Peu importe le domaine d’activité et la tâche considérée, la nature humaine et plus simplement la Nature tout court, nécessite de procéder à une sélection pour optimiser les performances et pour faire face à l’évolution. Depuis les dinosaures, la réalisation d’une tâche spécifique a contraint les Hommes à sélectionner les « meilleurs », c’est à dire les individus les plus à-même de remplir leur mission. Par exemple, nous pouvons nous demander, quels individus étaient sélectionnés pour aller chasser les mammouths? ceux sélectionnés pour aller cueillir des fruits? ceux sélectionnés pour allumer et surveiller le feu? ceux sélectionnés pour sélectionner? ceux sélectionnés pour penser? ceux sélectionnés pour éduquer etc. En résumé, l’Homme sélectionne l’homme pour réaliser une tâche spécifique afin d’atteindre un objectif précis avec la plus grande chance de réussite possible…car dans la Nature, « nécessité fait loi ». Plus proche de nous, la société, la population, l’administration, l’école, l’armée, la justice, le sport…recrutent (et donc sélectionnent) en fonction de critères précis. Généralement, en appui de cette sélection, vient s’ajouter une formation dont l’objectif ultime est de mouler les individus les plus compétents possibles.

        Pour « mieux » sélectionner, l’Homme a trouvé l’évaluation comme système de réponseet de justification! Mais qu’est ce qu’évaluer? Evaluer qui, pour quoi? Pourquoi? À quel moment? Comment? Est-ce une évaluation par anticipation et présupposition d’une hypothétique réussite future? Sélectionner un individu en présupposant de sa réussite future à partir de critères apparemment objectifs? Qui dit que c’est objectif? Est-ce le cas? Tout n’est pas si simple.

        L’école sélectionne également. Elle peut orienter et réorienter à souhait, et parfois même sans le consentement de l’élève. Sur quels critères se base-t-elle? L’intelligence? Le don? La capacité de travail? L’absence de maturité? La présence de trop nombreuses lacunes insurmontables?… Si cette sélection était aussi évidente, alors pour quelle raison ceux, que l’on a coutume d’appeler les « surdoués », les « génies », les « gros QI », n’apparaissent pas nécessairement dans les « élites »? Qu’évalue l’école? Les majors de l’ENA ou d’HEC sont-ils ceux qui ont le QI le plus élevé? N’en déplaise aux concernés (je vais encore me faire des amis), la réponse est non. Mais alors, comment faire pour sélectionner les plus performants pour réaliser une tâche spécifique?

        L’entreprise aussi connait les mêmes difficultés de sélection. Les DRH ont beau avoir un panel d’outils de sélection à leur disposition (CV, techniques d’entretien, graphologie, expériences…), rien ne laisse présager de manière certaine que leur choix est le meilleur des possibles.

        L‘art connait les mêmes problèmes de détection. En musique, par exemple, nous pouvons découvrir de précoces virtuoses de toutes sortes (piano, chant…) sans pour autant, quelques années plus tard, les voir devenir des génies dans leur domaine. Mais pourquoi me direz-vous? Je pourrai par exemple, commencer par affirmer que pour accéder à un haut niveau de performance, quel que soit le domaine (sportif, scolaire, artistique, professionnel…), chaque individu, chaque parcours et donc chaque réussite est unique et donc non modélisable. J’ai bien quelques idées que je développerai plus tard mais, je n’ai aucune certitude ni vérité absolue à vous donner sur le sujet…Ma seule certitude est de me méfier de ceux qui affirment avoir des certitudes sur le sujet. Ils sont au choix, menteurs ou incompétents, ou les deux à la fois. Simplement, encore une fois, je souhaiterais apporter des questions, des interrogations, des remises en question (et en cause ???) sur la pertinence, la nécessité, l’utilité et l’efficacité du mode de sélection d’aujourd’hui. Ne pourrait-on pas essayer autre chose? Je ne suis pas le premier à jeter ce pavé dans la marre, je ne prétends pas non plus à être le détonateur, mais force est de constater que les lignes n’ont pas beaucoup évoluées. Pourquoi à votre avis??? Vous pouvez m’envoyer vos réponses, celles-ci m’intéressent.

        Prenons l’exemple de la plus grande fédération française qui, pour détecter les talents (ou l’élite!?) utilise la « technique de l’entonnoir ». Ce système veut qu’à chaque étape de détection, certains jeunes sont écartés (pour des raisons plus qu’objectives vous l’aurez compris). En gros, le système de détection est ainsi performant que, sur 80000 licenciés dans la catégorie des 13 ans, un seul sera un jour professionnel. Quelle perte! Les chiffres parlent d’eux-mêmes ! La complexité du développement de l’enfant permet-elle aux « détecteurs » d’identifier, à un moment précis, le talent des jeunes joueurs encore en construction?

        Détecter le futur génie des maths, le futur virtuose du piano, le futur N°1 mondial de tennis, oser vouloir détecter les futurs Mozart, de Vinci, Picasso, Messi et autres virtuoses dès 12 ans: utopie ou mission impossible?

        Bien sûr que l’objectif de « détecter les talents » est ambitieux mais néanmoins nécessaire et difficile. Pour autant, faut-il continuer à écouter les préjugés, les croyances subjectives et les vérités absolues affirmées par des hautes instances conformistes? Un exemple parmi tant d’autres: à 11 ans, pour être recruté en section sportive Football, l’enfant qui ne fait pas 50 jonglages du pied droit, du pied gauche et de la tête, celui qui n’est pas assez rapide au test de conduite de balle ou au test de vitesse, celui qui est trop frêle, pas assez grand, pas assez bon à l’école, pas assez technique etc. ne sera pas recruté car, selon les « spécialistes », « il n’a aucune chance de devenir professionnel ». Demandez donc à Antoine Griezmann (pour les non-initiés, il n’a pas été recruté dans différents centre de formation français pour des raisons « physiques »; il joue aujourd’hui dans un grand club d’ Espagne et est titulaire en équipe de France), Franck Ribéry ou encore à Mathieu Valbuena, Michel Platini, Eric Carrière (la liste est longue) ce qu’ils en pensent. Si Messi avait été français, mesurant 1.65m, avec une telle politique de détection, il aurait certainement fait le bonheur d’un bon club de CFA!

        En France, la détection française, dont le 1er niveau est l’accès aux sections sportives (6°/5°) est tronquée dès le départ. Elle repose sur des critères le plus souvent non fiables par manque de moyens, ou « d’envie » de faire mieux. Pire, certains affirment que « l’œil du maquignon » est suffisant pour lancer un « train sélectif » dont il deviendra difficile d’en modifier la trajectoire. Après le passage en gare section sportive scolaires, ce train s’arrêtera dans les gares suivantes: section 2d cycle, pôles espoirs et pour les derniers voyageurs, en finissant au terminus des clubs professionnels. A cette dernière gare, les clubs pro récupèrent des joueurs présentant des lacunes rédhibitoires et amenant à l’échec du plus grand nombre…car on leur a vendu du rêve!

        Au tennis, il y a 20 à 30 ans, dans les meilleurs mondiaux, nous avons pu observer l’apparition de joueurs de grandes tailles avec un grand service et un grand coup droit. La réponse des recruteurs de la fédération aura été d’envoyer un message clair et simple: « Dans les pôles France, on ne recrute plus que des joueurs de grande taille même s’ils ont des lacunes (techniques, physiques, mentales…) en mettant de côté tous ceux qui n’avaient pas la chance d’espérer dépasser le fameux mètre quatre vingt. C’est vrai que depuis 20 ans, le top 5 mondial a toujours été composé de gars qui font tous 2 mètres!? Bien sûr que la taille du joueur peut-être importante, mais est-ce une raison valable et objective pour écarter tous les autres???

        Si je dis cela, ce n’est certainement pas pour jeter des pierres à qui que ce soit. Personne n’est « coupable ». Cette balle accusatrice peut aisément être renvoyée entre le système, l’institution, la politique, les clubs, les recruteurs, les décideurs, les joueurs, les entraîneurs, les éducateurs…bref, je le redis, personne n’est coupable.

        Si je précise cela ici, c’est pour appuyer ma satisfaction lors de la lecture de l’article présenté en introduction. Enfin un cadre, et quel cadre (le DTN de la FFT) reconnait les erreurs passées et commises en termes de sélection des plus jeunes. Ce qu’il a fait est une grande preuve de courage (si, si du courage!!!) et à ce titre, je lui tire mon plus beau des chapeaux. Il a osé remettre en question certaines vérités ou contrevérités…et je suis sûr qu’il s’est heurté (et se heurtera encore) à cette omerta ambiante, qui repousse tout souffle de remise en question des têtes « bien » pensantes. Petit, si tu veux durer, fais attention à qui tu te frottes!!! Pour ceux qui n’ont pas le temps d’aller lire l’article, je vous livre quelques extraits:

         » La remise en question des détections: Tout a commencé en 2005, lorsqu’Arnaud Di Pasquale a récupéré le dossier des détections. Sans se laisser intimider, il s’est plongé dedans et ce qu’il a découvert l’a alarmé. «Je suis remonté à la création des groupes espoirs en 1995, j’ai constaté que dix ans plus tard nous entraînions trois fois moins de joueurs entre 15 et 18 ans qu’autrefois.» Cette période correspond à la brève envolée du Team Lagardère qui, en la plaçant en concurrence avec la structure privée, a favorisé la concentration de la DTN sur l’élite et le résultat immédiat. Ce que Di Pasquale appelle «les dommages collatéraux» risque de se traduire par un creux important dans la foulée de la génération actuelle. La France a le privilège de disposer de moyens financiers pour maintenir en bon état de marche un système de détection…mais la plus efficace des machines n’est pas à l’abri d’une remise en question. La DTN en a fait l’amère expérience lorsqu’elle a revu des principes qu’elle tenait pour acquis. Les faits: Jo-Wilfried Tsonga n’a jamais dépassé le 2e tour au tournoi des Petits As de Tarbes; Gilles Simon n’était pas sélectionné en équipe de France des moins de 14 ans; Adolescente, Amélie Mauresmo n’était pas la meilleure de sa catégorie d’âge; Arnaud Clément prenait, à 12 ans, des raclées par la plupart de ses contemporains.

«Le pourcentage de réussite chez les pros des joueurs performants chez les jeunes est quasi nul »constate Arnaud Di Pasquale.

– « Jusqu’à 16 ans, on ne peut pas miser sur les résultats d’un jeune.» Le petit prodige de 10 ans n’est pas forcément celui qui disputera la finale de Roland-Garros une décennie plus tard.

– « La FFT veut pouvoir disposer d’une large base de joueurs afin de ne pas passer à côté d’un futur champion. Les plus précoces ne sont pas forcément ceux qui font les plus grandes carrières ».

Idées évoquées: Points forts: la dimension combative et le mental

disposer d’une large base de joueurs afin de ne pas passer à côté d’un futur champion dont le tort principal aurait été d’avoir une maturité plus tardive que ses contemporains.

– la DTN a également décidé de prendre du recul sur les résultats des compétitions de jeunes où la France brille traditionnellement peinant ensuite à transférer ses succès chez les pros.

– «L’objectif est de les construire pour aborder le vrai circuit en étant armé, pas de gagner le tournoi des Petits As de Tarbes ou d’être champion de France dès 12 ans»

– «Nous essayons de leur faire comprendre que nous ne sommes pas là pour les assister mais pour les guider», nuance Di Pasquale, pour lequel l’argument a autant une valeur psychologique que pécuniaire. «Plus ils seront assistés, moins ils auront de ressources une fois seuls sur le terrain. Or la dimension combative, le mental, ne sont pas les points forts des joueurs français ».

«En France, être doué est assimilé à un talent gestuel, Il faut donner de l’ambition à nos gosses, leur donner la culture de la gagne. Les étrangers savent qu’on va lâcher, c’est l’image qu’on leur renvoie…»

        Cette image est juste mais à qui la faute? Si un jeune joueur est « doué » mais faible physiquement, techniquement ou tactiquement que va faire le staff? Et, je vous la donne en 1000, si le joueur est faible mentalement, que va faire le staff?

Tout est dit, le constat est clair et on ne peut plus limpide. Quelle honnêteté de propos! Quel risque pris de la part de Di Pasquale! Arnaud, maintenant que le fond est là, reste à travailler la forme. Reconnaître que les joueurs français sont faibles mentalement, signifie-t-il que les tennismen vont travailler mentalement? Reconnaître que les jeunes français détectés « trop tôt » ne sont pas ceux qui réussissent en sénior, signifie-t-il que le mode de détection va évoluer? Reconnaître que des jeunes joueurs sont écartés de la détection sans raison objective signifie-t-il qu’il existera des « passerelles de rattrapages »? Jusqu’ici, la « sélection » était facile, si le sélectionneur devait choisir de sélectionner 4 jeunes du même âge pour intégrer le pôle France, alors il prenait les 4 demi-finalistes et ses choix ne souffraient d’aucune contestation possible. Le critère de sélection numéro 1 était le résultat. C’est le terrain qui parlait (et oui, j’ose déjà parler au passé). De même, lorsqu’on disait vouloir recruter des joueurs d’1.90m, c’était facile (les découvertes en physiologie et médecine permettent assez facilement d’anticiper la taille adulte d’un enfant). Là encore, la science parlait, le sélectionneur avait fait son job, et tout le monde, ou presque, était content.

        Au fait, si les détections ne vont plus dépendre des seuls résultats chez les jeunes, Comment vont-ils justifier les nouveaux critères aux jeunes? Quels critères vont-ils retenir? Comment vont-ils travailler le recrutement? Si je suis en parfait accord avec ces « nouvelles » positions, je reconnais que la mise en œuvre, bien qu’inévitable, ne sera pas facile à imposer…car les vieilles croyances et fausses vérités sont bien ancrées…et ne seront pas facile à détruire.

La détection des talents sportifs: Un rêve éveillé? Une utopie pour optimistes? Une réalité cartésienne?

        Après avoir critiqué les tests de détection pour entrer en section sportive Football (où seules sont évaluées les capacités techniques et physiques du joueur), les « accusés » me répondront aisément ceci:  » Si tu ne mesures pas leurs capacités physiques et techniques, comment tu peux savoir si c’est un bon joueur ou non? » Ma réponse serait celle-ci:  » tu emploies le mauvais temps dans ta phrase! Tu ne cherches pas à savoir si « c’est un bon joueur » mais si « ce sera un bon joueur. Toute la nuance est là, et c’est bien l’objet de la difficulté soulevée dans cet article. Dans tes tests, tu mesures la capacité du joueur aujourd’hui, tu mesures du présent en pensant mesurer du futur alors que ton objectif est précisément d’essayer d’anticiper le futur. Qu’est ce qui te permet d’affirmer que le joueur de 12 ans qui est moins performant aujourd’hui, sera forcément moins performant demain? ».

        Toute la difficulté réside dans le fait que l’on demande à un recruteur de sélectionner un joueur en se basant sur les seuls résultats du moment, et en essayant de « faire parler » ces résultats afin d’ hypothétiser ce que cela donnera plus tard. Qui peut dire ce que sera le bon joueur demain ? Qui sait à quoi ressemblera le bon joueur de demain? Paradoxe!

        Détecter, c’est déceler l’existence de quelque chose de caché. Détecter, c’est tenter de savoir, parmi une grande population de jeunes sportifs, lesquels ont plus de chances d’acquérir les capacités requises pour l’exercice d’un sport envisagé au plus haut niveau, au moment où ses capacités atteindront le développement optimal. De fait, le concept de détection n’a de sens que dans un contexte. Détecter avec certitude des talents dans le cadre de la performance sportive est actuellement impossible. De fait, il ne reste qu’à intégrer cette idée de détection comme une procédure de suivi des joueurs à long terme qui permet d’éviter trop d’erreurs.

        Déceler l’existence de quelque chose qui est caché (et parfois bien caché) sans passer par un travail spécifique sur le terrain, est-ce pour autant envisageable? Est-il possible d’imaginer détecter quelqu’un sans lui faire passer ces tests? Comment détecter un futur talent si celui-ci échoue aux tests physiques et techniques actuels?

        Un sujet talentueux est celui qui a des prédispositions et des aptitudes généralement supérieures à la moyenne pour accéder à la haute-performance. En sport, le talent moteur s’identifie par une certaine aisance dans la justesse de réalisation de gestes techniques, une faculté à vite comprendre, assimiler puis maîtriser des mouvements et une adaptation rapide aux multiples situations rencontrées. Ce talent ne deviendra réel sur le plan sportif que grâce à sa capacité à suivre et « encaisser » les programmes d’entraînement menant au succès de haut niveau sportif. Chaque discipline sportive requiert des caractéristiques propres. De fait, de nombreux facteurs sont à considérer car, au cours de la croissance et des apprentissages moteurs, ils jouent un rôle important dans l’expression du futur talent.

De quels facteurs parle-t-on?

        Les facteurs anthropométriques (taille, poids, souplesse, centre de gravité, qualités des tissus musculaires et rapport avec les tissus adipeux, proportions des segments corporels…); Les facteurs physiques (ressources énergétiques (aérobie et anaérobie), vitesse de réaction, coordination et synchronisation précises ..); les conditions technico-motrices (capacité d’équilibre, spatio-temporelles, de manipulation, d’expression corporelle et rythmique …); les capacités d’apprentissage (capacité d’observation et d’analyse, créativité et opérationnalisation rapide ….) ; la prédisposition à la performance (capacité à supporter les charges de travail); le contrôle mental (capacité d’analyse permettant l’intelligence motrice, les aspects tactiques, la gestion de ses ressources, la concentration, la maîtrise du stress en situation compétitive …); les conditions sociales (acceptation d’un rôle et participation dans une équipe (leader)); les conditions socio-économiques qui permettent aux individus de pouvoir pratiquer sans avoir les soucis des gens en difficultés dont les priorités sont avant tout de se nourrir … généralement, en sport, les pays les plus performants restent les nations à fort rendement économique, mais ce n’est pas la règle ( par exemple au football ce sont souvent dans les pays pauvres qu’émergent les grands footballeurs ( Brésil (favelas), Argentine, Afrique…); car au delà du talent naissant c’est peut-être aussi cette envie viscérale de s’en sortir et de réussir qui sont déterminantes; les conditions de pratique déterminées par le contexte d’entraînement sont également importantes.

Ne pas confondre détection et sélection

        La détection est l’action de détecter la présence de quelque chose de caché, de quelque chose qui n’est pas visible à l’œil nu. La détection se différencie de la sélection par la durée du pronostic. On détecte en vue d’échéances à long terme, alors que la sélection choisit les sujets les plus aptes à être performants pour une échéance ponctuelle. La détection serait donc un processus distribué sur une longue durée permettant la mise en évidence d’éléments peu perceptibles, considérés comme nécessaires à la réussite d’une performance de haut niveau. Elle aide l’environnement des sujets pressentis talentueux à mieux aménager leurs charges de travail et à les orienter afin qu’ils puissent être un jour sélectionnables pour des événements sportifs majeurs. La détection permet d’élaborer un pronostic à long terme alors que la sélection est une décision sur du court terme.

Comment détecter ? Quoi détecter ?

        La priorité est d’obtenir le consensus de la base jusqu’au sommet de la pyramide (du jeune à détecter jusqu’au président de la Fédération). Sans celui-ci, les évolutions seront inopérantes et stériles. Les informations doivent être présentes à tous les niveaux et rester compréhensibles par tous. Quelques idées à développer (les facteurs, caractéristiques sont extraits du Cours DUPM 2014″Domaines d’interventions et programmation des phases de travail en PM » de l’excellent M.Verger): Utiliser un modèle opérationnel éprouvé; faire l’analyse sérieuse des exigences du sport concerné à l’aide d’experts, d’études bibliographiques et des travaux expérimentaux; mettre en évidence des facteurs jouant un rôle dans l’expression du talent au regard de ces exigences; choisir et valider des batteries de tests par rapport à l’âge et au niveau de pratique; s’appuyer sur une organisation nationale bien structurée; posséder les structures d’accueil, d’études, d’entraînement et de suivi à proposer à chaque jeune.

        En affirmant que les français sont « faibles mentalement » et que le reste du monde est « au courant » que nos joueurs « lâchent mentalement », quel message souhaite faire passer le DTN de tennis au monde professionnel? Qu’enfin, la fédération reconnaisse l’importance d’entraîner mentalement les jeunes car leur accession au plus haut niveau nécessitera un « mental d’acier »? Dans tous les sports, nous entendons, dans la bouche d’entraineurs, de spécialistes et de sportifs professionnels ce type d’affirmation: « à qualité technique et physique égale, ce qui fait la différence au haut niveau , c’est le MENTAL« . L’affirmer, le constater est bien. Mais quelle est la réponse apportée aux sportifs professionnels qui « lâchent mentalement »? Sont-ils entrainés à ne pas lâcher?

        Pour apporter un début de réponse, en toute humilité, je vais énumérer ce qu’il me semble nécessaire de détecter puis de travailler sur le plan psychologique du jeune joueur jusqu’au professionnel.

– L’estime de soi, la confiance en soi, la motivation: Aujourd’hui, de nombreux tests et techniques validées scientifiquement, permettent une analyse très détaillée des habiletés mentales d’un joueur (motivation intrinsèque, motivation extrinsèque, motivation liée au sentiment de compétence, la capacité à se concentrer et à maintenir sa concentration durant la tâche. assiduité et application à l’entrainement…).

– L’endurance psychologique, la concentration et le contrôle attentionnel: la persévérance, la détermination, l’engagement sont également facilement identifiables et mesurables.

– La compétitivité: entre les joueurs, il existe des différences épatantes dans leurs facultés de surpassement, cette volonté de tout faire pour ne pas perdre, cette volonté de tout faire pour gagner et cette volonté supérieure de vaincre qui leur permet de se transcender de façon régulière comme l’exige la compétition. Aimer la compétition est une faculté qui se remarque et qui s’apprend.

– Le contrôle de l’activité: l’impulsivité, la précipitation, l’emportement, la frénésie, la négligence, l’imprévoyance, l’irréflexion ne favorisent pas la performance. A l’inverse, la capacité d’analyse, la lucidité spécifique, la capacité à résister à la frustration, le calme, la froideur, la placidité permettent des choix pertinents dans les circonstances les plus délicates.

– Le contrôle émotionnel: Il se traduit par une forme de stabilité, d’égalité d’humeur qui fait que le joueur n’est pas accablé dans la défaite, pas plus qu’il n’est exubérant dans la victoire. A l’opposé, les joueurs fragiles, cyclothymiques, changeant d’humeur, instables, asthéniques, ou maniaco-dépressif… rencontreront davantage de difficultés à se relever après les périodes difficiles (échecs, blessures, défaites, déceptions en tout genre…).

– La résistance au stress: le stress est le fidèle acolyte du sportif de haut niveau. Le fait de pouvoir résister aux éléments parasites, contrôler la pression de l’environnement, d’être capable de donner son maximum dans une ambiance hostile, de supporter la malchance, les erreurs ou les critiques, voire de se servir de ce état particulier pour être encore plus performant caractérisent le grand joueur.

-L’agressivité: aucune réussite n’est possible sans une agressivité élevée et bien orientée. Le joueur qui a tendance à être inhibé facilement, qui subit, qui ne défend pas sa place, son rang, son statut, qui ne se montre pas capable de la reconquérir quand il les perd ne peut pas réussir durablement, ou hypothèque en grande partie son potentiel.

– La sincérité: Une mesure faite par recoupements multiples évalue la sincérité des réponses fournies aux questionnaires et aux entretiens d’explicitation. Les incohérences au niveau des résultats obtenus sont ainsi facilement repérées. On distingue donc nettement le joueur qui tient à faire une bonne impression, qui a toujours besoin d’approbation, de celui plus distant et plus sincère qui dispose d’une capacité d’analyse personnelle plus élaborée.

        Pour exemple, le test « Psychological Characteristics of Developing Excellence Questionnaire » (PCDEQ) d’A. McNamara (2011) s’appuie sur les travaux britanniques de la DSO « Détection/Sélection/Orientation » (Abbott & Collins, 1998) et détecte les déterminants psychologiques de l’excellences sportives que sont : L’engagement, la qualité de la pratique, la fixation d’objectifs, L’imagerie mentale, La planification à chaque étape, les stratégies contrôlant les distraction, la gestion de la pression, l’évaluation de la performance. Nous pourrions également évoquer le QPS (Thill); le TOPS (Test of Performance Stratégies) (Thomas, Murphy, & Hardy, 1999); le CISS (Endler, Parker, & Rolland, 1990)…

        Si l’on considère que certains paramètres physiologiques et physiques doivent être mesurés car ils représentent clairement des avantages en sport, la capacité à réaliser une performance de haut niveau reste aussi conditionnée par la capacité de l’athlète à s’adapter à des paramètres périphériques aux performances, et à surmonter toute une panoplie de défis sportifs et extra-sportifs.

        Pour ceux qui sont déjà au top, il y a une abondance d’études scientifiques sur le rôle primordial que les connaissances mentales et les facteurs psychologiques jouent dans la performance des athlètes de haut niveau (Ericsson et Charness (1994), Durand-Bush et Salmela (2002)). Par exemple, nous connaissons aujourd’hui, l’existence d’une gamme de facteurs psychologiques permettant le succès (un niveau élevé d’engagement, des objectifs à long et court terme, l’ imagerie, la concentration, un emploi du temps pré-compétition et en compétition, les routines de performance…) pour distinguer les athlètes connaissant l’excellence et ceux qui n’atteignaient pas totalement leurs objectifs d’excellence (Orlick et Partington 1988). En prenant en considération ces facteurs, les approches modernes d’identification et de développement des talents soulignent la progression initiale de tels comportements psychologiques, puis le développement subséquent (c’est à dire qui vient à la suite dans l’ordre du temps, du rang) de ces comportements psychologiques (Abbott et Collins). Ces Caractéristiques Psychologiques du Développement de l’Excellence (CPDE), (Abbott et Collins 2004) comprennent les deux traits caractéristiques (la tendance à…) et des connaissances déployées en état (la capacité à… quand…) et ont montré le rôle crucial qu’elles jouaient dans le développement du potentiel et la réalisation de la performance de haut niveau. Pour résumer, les caractéristiques psychologiques du développement de l’excellence soutiennent le développement efficace dans un certain nombre de façons. Par exemple l’attention, le contrôle des distractions et un entraînement de qualité facilitent l’acquisition des connaissances, tandis que fixer des objectifs et évaluer des performances réalistes aide les athlètes à optimiser chaque période d’entraînement. Les CPDE permettent aussi aux athlètes de rester sur « le chemin de l’excellence » en leur permettant d’investir le temps nécessaire à l’entraînement et de rester engagés dans ce processus de développement, en particulier quand ses pairs peuvent être engagés dans des activités plus agréables (par exemple, aller s’entrainer au lieu de sortir avec ses amis, se coucher tard, surveiller son alimentation…).

        De nombreux modèles sur les étapes de développement (Bloom, 1985 ; Côté, 1999), sur les effets de l’environnement (Martindale et al., 2005) en sport, mais aussi en danse et en musique (MacNamara, 2008), montrent l’importance de ces caractéristiques dans la réussite au plus haut niveau…alors, si la recherche et la science valident cet aspect, pourquoi ne pas essayer de considérer tous ces facteurs psychologiques et mentaux dans les modèles de détection sportive puis dans le travail de formation à mener avec les « élus détectés »???

Les limites d’une détection qui se voudrait objective.

        Les fédérations doivent faire des choix de détection. Pour détecter, elles n’ont pas d’autre éventualité que de choisir. Comme j’aime à le faire entendre à mes proches, à mes sportifs et à tous ceux confrontés un jour à l’obligation de formuler un choix: « Choisir, c’est nécessairement renoncer »(A.GIDE). Seulement, si nous ne renonçons à rien, nous ne préférons rien, nous ne faisons rien, et finalement nous ne sommes rien. Est-ce le choix qui est difficile ou le renoncement? La question est donc ensuite de savoir à quoi nous renonçons, comment, et pour quelles raisons? En quoi ce renoncement est utile? En sport, la notion de talent n’est pas un bloc unitaire et facile à comprendre. C’est un concept complexe avec diverses composantes aux origines diverses et contingentes (morphologiques et biologiques, physiologiques, motivation, histoire expérientielle et sociale du jeune). Face à cet hypothétique talent, l’objectif de la détection sera alors de comparer des variables jugées indispensables à une performance de haut niveau afin de pronostiquer de fortes probabilités de réussites. Par la détermination, la persévérance, une motivation extrême de chaque instant ajoutées à la rencontre de conditions très favorables à son épanouissement (structure, entraîneurs, blessures, parcours…), le tout saupoudré d’une grande patience, le talent aurait plus de chance d’éclore.

Quels facteurs sont susceptibles d’objectiver la détection ?:

– Les facteurs éthiques et psychosociaux: le joueur et l’environnement immédiat (famille, amis…) sont-ils en accord avec le projet de formation (nous connaissons l’importance que représente le soutien des proches dans l’accès d’un sportif au haut niveau); que pensent-ils du sport et du haut niveau? De l’abandon ou de la poursuite d’études?…

– Les facteurs technico-physiques: chez un jeune, il peut y avoir jusqu’à 4 ans de différence entre l’âge biologique et l’âge civil. A la post-puberté puis à la puberté, il peut y avoir de grandes différences interindividuelles des stades psychomoteurs accompagnées d’une grande turbulence psychosociale et morpho-fonctionnelle. De plus, pour un âge biologique similaire, en raison de l’apparition plus ou moins tardive de la maturité physique et psychologique, l’expression du talent peut survenir à des moments différents.

– Les facteurs visant à la recherche d’une modélisation: Chaque individu est unique, et c’est aussi le cas chez les sportifs de haut niveau. Cette unicité se retrouve par le parcours, la formation, le profil, l’expérience et l’histoire du sportif…d’où l’aspect aléatoire d’un pronostic précoce pour un cursus à priori difficile à prévoir.

        De nombreuses structures ne réalisent qu’un suivi approximatif des sportifs car la détection est un processus très lourd et très coûteux économiquement et humainement. L’évolution des niveaux de performance en sport, la concurrence, les avancées technologiques, les découvertes en sciences et la recherche contraignent les politiques fédérales à mieux (re)définir une détection réellement efficace.

 

        Pour finir par une note positive et optimiste, il est nécessaire de ne pas oublier que, de nombreux sportifs français ont obtenus d’excellents résultats au niveau international (en handball, au saut à la perche, au judo, natation…). Les français savent être excellents, gagner et même devenir les meilleurs mondiaux. C’est une preuve que la détection des talents n’a pas été si tyrannique, arbitraire et répressive; et qu’il existe de nombreuses passerelles (entre les structures fédérales et les clubs, entre les différents niveaux des structures) qui offrent ainsi de nombreuses possibilités d’accès à la haute performance. Force est de constater qu’aujourd’hui, en restant à l’écoute de différentes recherches scientifiques, de nombreuses fédérations françaises se sont (ré)orientées vers des modèles de détection et de sélection plus spécifiques, fonctionnels et opérationnels. Celles-ci ont également évoluées dans leur système de formation, d’entrainement et de préparation des sportifs. Quelles sont ces fédérations à votre avis?

        Ces sportifs qui gagnent, qui savent gagner car ils ont appris à gagner, ne sont-ils pas issus de fédérations qui ont su rester ouvertes aux nouvelles propositions et perspectives de toutes sortes ? Les fédérations qui ont eu la chance d’avoir des sportifs ou des équipes qui ont gagné des titres mondiaux ont-elles su rester ouvertes à l’évolution permanente du sport de haut niveau? Se sont-elles dit; « Nous avons raison, nous savons ce qu’il faut faire et nous allons continuer sans rien changer » ? « Nous avons les meilleurs joueurs du monde donc cela signifie que nous avons le meilleur système de détection du monde et que nous avons le meilleur système de formation des entraîneurs du monde « ? ( il est exact que le contenu de formation du brevet d’état français était, il y a 30 ans, le meilleur système de formation des entraineurs mondiaux…il n’a guère évolué depuis sa création, il est aujourd’hui ridiculement pauvre comparé à ce qui est proposé ailleurs. Je précise au passage que le fameux BE n’existe plus depuis longtemps (remplacé par les DEJEPS et BPJEPS) et que certaines grandes fédérations françaises ont continué, pendant (trop?!) longtemps à le proposer. Quelle est la raison à votre avis?

        Une entreprise qui a d’excellents résultats ne doit-elle pas chercher à se développer, innover et investir pour se maintenir voire grandir? Doit-elle attendre d’être dépassée par la concurrence pour se réveiller ?

 «  Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou. » Friedrich Nietzsche

«  Rien n’est permanent, sauf le changement.  » Héraclite d’Ephèse

Vous pouvez réagir à l’article en postant un commentaire ci-dessous, ou par mail à clementdurou@gmail.com  …à bientôt.

Clément Durou

 

 

10 commentaires

  1. C’est long mais c’est bon !…et tellement vrais
    Al1

  2. Merci pour cet article très intéressant.
    Je partage en grande partie ton analyse, excepté le fait qu’il y ait des personnes compétentes à la FFT. Pour avoir déjà échangé avec des dirigeants, coachs, des prépa physiques… de Roland Garros à plusieurs reprises ces dernières années, la seule chose que je peux dire c’est que le tennis français à 20 ans de retard !

  3. Merci Clément pour cette contribution riche et pleine de perspectives. En effet, à quoi bon déplorer un état de fait si l’on ne réfléchit pas à une stratégie de remédiation ?
    Je précise d’emblée que je ne suis pas un spécialiste du sport. Je suis acteur et penseur de la formation initiale et continue dans les domaines de l’économie, des sciences de gestion, du management et du droit.
    D’après ce que j’ai compris, il est important de distinguer les phases de détection et de sélection du sportif. Je vais donc pousser les conséquences de cette différence un peu plus loin.
    Il ne me semble pas approprié de détecter un enfant (voire un préadolescent) en lui faisant passer des tests (TOPS, QPSS, POMS…) évaluant ses caractéristiques mentales tout simplement parce qu’elles sont en phase active construction (et donc non stabilisées). Par contre, dans la perspective d’un travail de préparation mentale ultérieur, il me semble plus pertinent d’évaluer la qualité du terrain psychologique à la réceptivité d’un tel travail. Dans cette perspective, le processus de préparation mentale est un investissement qu’il faut allouer là où il produira le plus de fruits. Il faut donc mener une réflexion sur identification des conditions de fertilité du terrain psychologique chez le jeune puis expliciter des variables permettant de les mesurer. L’agrégation de ces variables dans un modèle de type économétrique permettrait de calculer un indicateur synthétique prédictif de performance mentale, qui, combinée aux qualités physiques et sportives du jeune, permettrait une détection plus optimale.
    Notons au passage que certains pays ont pu faire l’économie d’une telle démarche en « arrachant » les enfants à l’éducation de leurs familles pour y substituer une éducation donnée dans des centres de préparation de sportifs de haut niveau. Je pense cependant que compte tenu des valeurs et des idéaux de notre pays, cette option n’est pas réaliste. Donc à défaut de pouvoir contrôler la trajectoire personnelle d’un jeune individu il faut l’analyser pour la comprendre.
    Quant à la phase de formation du jeune, il convient, dans une perspective de remédiation, d’articuler préparation mentale et entraînement sportif. Au cours de cette longue étape, il me semble évident qu’un tableau de bord regroupant des indicateurs de performances mentale et physique permettrait à l’entraîneur et au préparateur mental de piloter leurs actions de façon coordonnée. Quant à la sélection qui se veut, en apparence, objective, elle pourrait reposer sur l’agrégation de deux indicateurs : l’indicateur de performance mentale et celui de performance physique. Dans cette perspective, le choix des coefficients de pondération des différentes variables composant chaque indicateur puis de leur agrégation ne devrait pas être le résultat d’un rapport de force entre entraîneur et préparateur mental mais le fruit d’une réflexion sur les leviers d’une performance optimale dans un sport donné. Ultime remarque : la performance mentale ne peut être évaluée uniquement par des tests. Il convient en effet de les compléter par des entretiens individuels et des observations en situations du sportif. Ce dernier point plaide pour la création et la régulation d’un corps professionnel dédié à la préparation mentale.
    Ecrivant ces lignes je me prends à avoir peur… Si un scientifique pouvait isoler les gènes de la performance, combien de sélectionneurs seraient tentés par une stratégie eugénique ? Dès lors, quelle place pour l’éthique dans les processus de détection et de sélection ?

  4. Quelques remarques tirées de ma petite expérience personnelle:
    1/ Aussi étendus que soient les critères retenus pour détecter puis sélectionner on n’empêchera jamais certaines personnes, associations ou fédérations de faire des paris sur l’avenir.
    2/ C’est dans la construction du sportif qu’il faut être le plus performant possible ; beaucoup vous diront qu’à un moment donné tel ou tel a beaucoup compté dans l’émergence de ses qualités et de sa réussite.
    3/ Quand un club professionnel est venu chercher un de mes joueurs qui avait alors 15 ans et était loin d’être un extra terrestre, il m’ a été demandé quelles étaient les qualités que je décelais en lui et qui puissent l’amener à réussir un jour ? Je me souviens avoir dit, l’intelligence et la capacité qu’il avait à toujours s’adapter au niveau supérieur alors qu’on croyait qu’il avait atteint ses limites…il joue en ligue 1 de football maintenant.

  5. Oui c est vrai il est un peu long ….
    Mais pas de langue de bois, des constats et des arguments. Un article responsable et réfléchi. Merci
    Ccj

  6. Indépendamment de la détection/sélection/performance, je pense que la préparation mentale devrait être intégrée à l’entraînement sous une forme assez basique dans un premier temps (respiration, imagerie, relaxation, ancrage) dans tout sport, tout club, tout niveau, dès 12/13 ans via la sensibilisation des entraîneurs à des « outils de 1er niveau » de préparation mentale…De même que tout jeune joueur apprend les tous premiers gestes techniques, il apprendrait aussi à respirer, sur quoi porter son attention, à évacuer le stress…etc…mais ça n’engage que moi 😉

  7. Bonjour Clément,
    Très intéressant …J’ai bien aimé ce texte qui m’a rappelé un ensemble de faits et discussions que j’ai eu dans divers contextes sportifs traversés … et que je vis encore au sein du centre de formation de l’ASM Rugby, qui a beaucoup évolué depuis quelques années (en bien d’ailleurs). Je le garde et le mentionne dans le cadre du DUPM.
    Merci et à bientôt
    Cordialement
    Michel Verger

  8. J’ai lu l’article hier soir! Très intéressant!

    Une question qui se pose à toutes ces fédérations: et l’avenir de tous ces jeunes? L’avenir sportif mais surtout extra-sportif?
    Celui de celles et ceux qui ne vont pas réussir, c’est évident,mais aussi celui de ces belles « machines » performantes. Comment les préparer à l’après? L’après professionnel, l’après personnel, l’après sanitaire. le projet sportif n’est pas une fin en soi (même s’il est une faim en soi, et surtout une foi enceinte!!!), ce projet doit (devrait?) être dès l’origine un projet de vie. C’est quoi la vie après? Tous ne
    seront pas des Tony Parker, des Zinedine Zidane, des Thierry Omeyer, des Sir Jonny Wilkinson, des Rafael Nadal …

  9. Ma question était rhétorique ! Car, par (modeste !) expérience, je sais qu’elle est peu et mal prise en compte !

    Je me souviens d’un coach (le mot n’avait pas le même sens à l’époque, l’entraineur jouait tous les rôles) du Club de Hand de Melun, qui a mis à la porte de l’équipe l’un des jeunes les plus doués (il fit ensuite une belle carrière sportive à Ivry qui n’avait pas la même philosophie) parce que ses bulletins scolaires étaient catastrophiques ! Former des joueurs, oui, mais aussi de futurs citoyens responsables ! Nous étions à l’époque d’avant le professionnalisme !

    Aujourd’hui, un sportif s’achète et se vend, comme on achetait ou vendait des esclaves !

    C’est un investissement que le club doit rentabiliser. Seule la performance compte !

    Je ne regrette pas que les sportifs puissent gagner leur vie. C’est même plus honnête que le pseudo amateurisme d’avant … mais la dérive est trop forte.

    Le TOP 14 est l’un des championnats les plus relevés … l’équipe de France de Rugby, elle, stagne dans le bas du tableau. Cherchez l’erreur ! La question est bien celle de la détection et de la formation.

    Qu’il y ait des joueurs étrangers, tant mieux, c’est une saine émulation, ce ne peut être qu’enrichissant (je ne parle pas de l’argent, vous aviez compris !) mais … regardons l’OL, cette année, par exemple : une équipe de jeunes, formés au Club, un esprit collectif, ils tiennent la dragée haute aux mercenaires d’un fameux Club qui n’a plus de parisien que le nom ou d’un confetti princier, fiscalement paradisiaque !

    On parle aujourd’hui de fair-play financier ! Ironique, non ? Le fair-play s’occupait d’éthique de jeu, de respect, de loyauté, d’honnêteté ! Que sont ces valeurs devenues ?

    Bon, j’arrête !

  10. Salut Clément,

    Bien joué gars 😉
    N’hésites pas à nous faire passer si tu as du matériau.
    A tout bientôt

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