Le stress du sportif, tu sais ce que c’est?
3ème partie
Avant d’évoquer les outils et techniques que je propose pour aider les footballeurs à mieux gérer leur stress précompétitif (d’avant match), il me semble important de préciser que le stress est loin d’être le seul et unique responsable de la mauvaise performance d’un joueur. Si le stress est souvent le coupable idéal, il semble également important de considérer tous les facteurs pouvant générer l’apparition du « mauvais stress ». Une faible confiance en soi, une concentration inconsistante, une motivation volage, une attention nuageuse, une technique lacunaire, une tactique titubante, un physique lymphatique…les exemples physico-tactico-physico-mentaux expliquant une contre-performance sont légions.
Le stress des joueurs est aujourd’hui considéré comme un mal à vaincre. Il est pourtant indispensable à la performance des joueurs. A lui seul, le stress n’explique ni ne justifie aucune contre-performance des joueurs. Pour résumer, je conclurai en affirmant que dans la performance d’un joueur, TOUT est lié. Une faible confiance en soi engendre-t-elle une meilleure gestion du stress? Un joueur peu motivé peut-il approcher le bon stress pour être performant ? Des lacunes physiques offrent-elles les conditions idéales pour développer la confiance en soi ou la gestion du stress? …. Tous les déterminants de la performance sont effectivement entremêlés et donc indissociables.
Comment aider les footballeurs à « mieux » gérer cet incontournable et nécessaire pression d’avant match? Quels outils ? Quels exercices? Pour quelles utilisations ? …et pour quels bénéfices?
Le joueur est l’acteur principal de sa propre performance. Si nombre d’entre eux se « débrouillent » seuls et sans assistance, s’ils souhaitent encore progresser et être davantage réguliers dans la réalisation et l’enchainement de performances de haut niveau, ils ne pourront demeurer éternellement des autodidactes.
En effet, dans l’environnement immédiat (mais hélas parfois non immédiat) du joueur, de nombreux « informateurs » vont lui apporter des conseils, des outils, des techniques, des solutions, des expériences, des méthodes, des approches aussi diverses que variées, bonnes et mauvaises, qu’il va expérimenter puis utiliser tout au long de sa carrière. Toutes ces rencontres occasionneront l’émergence de ces questionnements: Comment organiser et travailler tout ce qui semble important d’acquérir pour réussir? Quelle forme d’organisation la plus efficiente possible, permet de minorer les risques pour accompagner efficacement ses joueurs? Quelles habiletés d’organisation développer pour aborder les environnements de la haute performance? Quelles habiletés mentales doit-on développer pour préparer ses joueurs à affronter un environnement stressant? Quels outils travailler et affûter pour accéder à des objectifs élevés mais raisonnés?
Le manque d’intérêt ou d’absence de rigueur dans la réponse à toutes ces questions donnera à la pression engendrée un statut difficile à contrecarrer. Si le stress peut avoir différentes origines et peut s’exprimer de différentes manières chez les joueurs, force est de constater que la peur de réaliser une contreperformance lors d’un match à fort enjeu que l’on prépare sérieusement et avec un investissement total peut sérieusement impacter la future performance du joueur. Nul n’est épargné, ce phénomène s’observe chez les plus jeunes… jusqu’aux professionnels.
Ce que l’entraineur peut faire
La 1ère étape est de permettre au joueur de bien maitriser son environnement compétitif. Je l’ai déjà évoqué, le stress et l’anxiété perçus et/ou réellement présents chez les joueurs ne sont peut-être pas les seuls responsables des contreperformances des joueurs. Une condition physique critiquable, une maturité non aboutie, des lacunes techniques, des imprécisions tactiques, une hygiène de vie chaotique, un entourage discutable, des problèmes extra-sportifs…une contreperformance est une association de défaillances multiples…et certains ont parfois tendance à l’oublier.
Avant toute chose, il semble important de préciser que l’entraineur doit être le garant de la gestion de cet environnement compétitif. Dans un 1ier temps, il peut donc agir et préparer ses joueurs à:
– Connaitre puis Maitriser son environnement compétitif: S’il souhaite écarter le stress de ces joueurs, le coach peut (et même doit) apporter des repères et de la confiance à tous ses joueurs (cohésion de groupe, communication saine, ouverte et directe, gestion des conflits et des problèmes relationnels, éviter les non-dits, les reproches et feedbacks destructeurs en public, organisation et aide logistique, protection de ce qui est « extérieur au vestiaire »…) afin de les accompagner dans cette nécessaire maitrise de son environnement.
– Apprendre à se connaitre: Se connaitre s’apprend. Cependant, l’idée de l’expérience ne remplace nullement l’expérience. Chaque expérience est donc une marche de plus vers la progression. Après chaque match, un débriefing analytique de ces agissements devrait permettre au joueur de mieux se connaitre. Ainsi, au fil des expériences débriefées objectivement, chaque joueur devrait être amené à mieux identifier et conscientiser ses qualités autant que ses difficultés. Par son intervention, le coach doit aider chaque joueur à y voir plus clair sur ce qu’il est, ce qu’il peut faire…et ce qu’il attend de lui. Cet aspect est un autre moyen permettant d’appréhender le stress ainsi que toutes autres pensées intrusives limitantes.
– Apprendre à se connaitre dans l’action: La genèse de l’intelligence stratégique des joueurs s’échafaude à l’aide d’entrainements spécifiques mais également par la répétition des expériences compétitives. Par une préparation mentale individualisée, la « connaissance de soi dans l’action » collabore à l’édification d’un état d’esprit particulier mais nécessaire pour supporter l’effort intense de la compétition dans son environnement. Pour y parvenir, de nombreux outils existent. Ils doivent être proposés par le coach (ou le préparateur mental) puis, après échange, choisis par le joueur.
– Apprendre à aimer la compétition: Aimer la compétition n’est pas inné, cela s’apprend. Le sujet n’est pas ici de philosopher sur ce qu’est « aimer la compétition » mais de penser qu’aimer la compétition, c’est aussi aimer chercher des solutions pour résoudre des problèmes. Par les discussions, les échanges, les expériences et surtout par le travail proposé, l’entraineur peut créer les conditions qui vont faire que les joueurs vont aimer la compétition. Si certains d’entre vous sont dérangés par le mot « aimer » alors nous pouvons le remplacer par apprécier, mieux appréhender, prendre du plaisir à… lutter, se battre, se défier, se mesurer, s’étalonner.
– Apprendre à relativiser: « Les gars, souriez, plaisantez, relativisez. Ce n’est qu’un match de football ! ». Lorsque je jouais, je me rappelle d’un président de club (je sais qu’il va lire cet article, et je lui fais ici, un grand salut…) qui disait avant les matchs : « Les garçons, donnez tout pour gagner mais n’oubliez pas que l’on ne joue pas sa propriété! » et il avait raison. Si l’on perd ce match, on ne va pas pour autant perdre nos biens, notre maison…nos propriétés. Nous n’allons pas non plus mourir, aller en prison ou à l’hôpital. Au passage, ne perdons pas de vue que lorsque l’on gagne, la réciproque est aussi vraie. Cet aspect est souvent inconsidéré par certains entraineurs. S’ils veulent apprendre aux joueurs à relativiser, à mieux vivre l’évènement, à ne pas stresser négativement…eux aussi se doivent d’être exemplaires.
– Apprendre à gagner: Il est possible d’apprendre à gagner. Par le jeu, les objectifs, les défis et le travail proposé au quotidien… les joueurs peuvent apprendre à (re)prendre goût à la victoire.
– Apprendre à communiquer: le poids des « non-dits » est souvent trop peu considéré voire même négligé par les entraineurs. Les nombreux « implicites » émergeant de la pensée, du ressenti et des émotions des joueurs et des coachs, provenant parfois de leur environnement immédiat (1er cercle, 2èmecercle affectif…), se transforment parfois en de véritables fardeaux à porter. Les répercussions négatives étant souvent minimisées, ces fardeaux sont rarement traités en profondeur. Les mettre de côté en espérant qu’ils s’estompent avec le temps est une possibilité pour certains coachs mais cela n’est pas la solution idéale pour les faire disparaitre sur le long terme. Parfois ce type de management peut fonctionner. Hélas, les rancœurs, les frustrations, les déceptions, les mises à l’écart sans explication, encrassent les esprits…et in fine, la performance du joueur ET du groupe. Ces non-dits constituent un élément important à insérer dans une programmation de préparation mentale. Ils génèrent un climat de travail peu propice à l’adhésion de tous les acteurs du groupe et leur engagement pour atteindre un haut niveau de performance. Rassurons les optimistes, il existe plusieurs outils faciles à utiliser pour y remédier.
Une préparation mentale intégrée aux entrainements
Les travaux actuels tendent à montrer que les stratégies les plus efficaces pour gérer le stress en situation de performance ne sont pas celles qui sont directement dirigées sur le stress (techniques de relaxation, sophrologie, yoga, contrôle de soi…) mais plutôt celles qui sont dirigées sur l’action à réaliser (ex : travail sur la focalisation de l’attention sur des repères directement liés à l’action à réaliser; switch attentionnel, travail de concentration…). Ainsi, l’objectif est d’amener le joueur à penser pour ne pas se préoccuper. Par exemple, la routine de performance est un excellent outil pour écarter le mauvais stress. Si je pense, regarde ou fait quelque chose, alors je ne pense pas à autre chose qui me stresse.
Afin d’apprendre à ses joueurs à « jouer » avec le stress, lors de la conception de ses séances, seul ou avec les conseils d’un préparateur mental, l’entraineur peut facilement intégrer un travail mental (axé sur le stress) dans les exercices qu’il propose. Afin de ne laisser aucune compétence sur le côté, je précise également que les préparateurs physiques peuvent en faire de même. Ils peuvent aisément intégrer un travail mental sur la gestion du stress (ou les autres habiletés comme la confiance, la concentration, l’attention…au risque d’être redondant, je rappelle encore que tout est lié) lors de leur séance de préparation physique. Je suis persuadé que cette position sera appréciée et relayée par Christian, Christophe, Alex, Vincent…et ceux que j’oublie de citer.
Si le joueur éprouve des difficultés à gérer son stress lors des entrainements, ou pire, si le joueur n’a jamais été confronté à des situations stressantes lors de sa formation, lors de ses entrainements, peut-on attendre de lui qu’il gère facilement son stress avant, pendant et après les matchs?
Dans le cadre de sa préparation, il s’agira de confronter les joueurs, avec dosage et attention, aux différentes situations stressantes afin d’observer ses réactions, son comportement et le « coping » (solutions qu’il met en place pour répondre au problème) qu’il utilise pour y remédier. Ainsi, pendant l’entrainement, l’objectif sera d’augmenter le stress afin de le mettre sous pression, ou mieux sous une pression qu’il est susceptible de rencontrer en compétition. Comme il est toujours plus aisé de répondre favorablement au stress en compétition lorsque l’on y a déjà été confronté, un des objectifs visés par l’entraineur sera de confronter ses joueurs à des évènements stressants lors de certains entrainements. Une répétition dosée de ces évènements stressants pourra ainsi créer une sorte d’habituation au stress de la part du joueur.
Apprendre à jouer avec le stress des joueurs
1) Comment augmenter le stress des joueurs?
A l’entrainement, lors des exercices, jeux, matchs à thème, oppositions…les occasions d’augmenter le stress des footballeurs ne manquent pas. Pour augmenter la charge émotionnelle des joueurs, le coach aura les possibilités suivantes: placer le joueur dans le questionnement, l’inconnu ou loin de sa zone de confort le placera nécessairement dans une situation stressante (le changer de poste, le mettre dans une équipe plus faible ou en infériorité numérique, jouer sur les consignes et complexification des exercices ( ex: réduction du nombre de touche de balle sur un jeu de conservation), lui donner des défis du type: « si tu n’arrives pas à faire ceci…., alors tu feras cela » (ranger le matériel, travail supplémentaire…); » A la fin de la séance, tu dois marquer 3 pénalty d’affilés. Tant que ce n’est pas réalisé, tu restes sur le terrain »; tout en lui donnant des objectifs réalistes, positifs, réalisables…mais difficilement atteignables en alternant avec des objectifs de réalisation ou de compétence et avec des objectifs de performance (Ex: récupérer 4 ballons dans les pieds adverses en 5 mn, cadrer 8 frappes sur 10 sur un travail devant le but). Les objectifs doivent toujours être quantifiables et évaluables par le joueur (ex: 90% de réussite dans les passes, % de duels gagnés, distance parcourue, nombre de touches de balle…).
Attention à ne pas vouloir TOUT mettre dans vos séances!!!
Souvent pris par le temps ou le manque de séances de travail (notamment en amateur), les entraineurs ont tendance à trop « charger » leurs séances. A vouloir trop faire, tout faire, on passe souvent à côté de l’essentiel. A ces entraineurs, je leur renvoie ces 2 consignes qu’ils se plaisent à donner très souvent à leurs joueurs: « ne confondez pas vitesse et précipitation »; « privilégiez la qualité à la quantité ». L’expertise sera de savoir doser le travail tout en restant très attentif au fait que cette augmentation de stress n’altère pas la confiance en soi et la motivation des joueurs.
En parallèle, il s’agira également de savoir à qui l’on s’adresse car tous les profils de joueurs sont différents donc un dosage personnalisé s’impose lorsque l’on veut tous les soumettre à des situations stressantes. Pour cela, il est toujours nécessaire de débriefer avec les joueurs après les exercices en leur disant que l’objectif était de les confronter au stress afin qu’ils y répondent plus facilement en compétition. L’entraineur doit sentir quand il doit générer du stress ou au contraire calmer le jeu. En effet, s’il est louable d’en demander toujours plus aux joueurs, parfois la situation, le contexte, le moment ne le permettent pas. Dans ces cas-là, il convient alors d’abaisser leur niveau de stress…car le « jeu sur le stress » peut impacter positivement mais également négativement les autres habiletés mentales que sont la confiance, la motivation, la concentration…
2) Comment abaisser le stress ?
Avant un match, l’entraineur pourra abaisser le stress en activant différents leviers:
Les 2 situations les plus génératrices de stress sont l’incertitude et l’absence de contrôle. Pour y faire face, une des stratégies efficaces est de fournir à ses joueurs autant de connaissances et de compréhension qu’il est possible sur les évènements à venir, tout en leur donnant, pendant la préparation de cet évènement, une impression de contrôle. Le sentiment de compétence (= le joueur est convaincu qu’il est capable de…) est source de développement de la confiance en soi, de la motivation, de la persévérance, de la détermination et de l’engagement total et positif du joueur. Je me répète encore (mais la répétition est un facilitateur d’acquisition et d’apprentissage) mais tout est lié; si un joueur a confiance en lui, en ce qu’il a travaillé et qu’il maîtrise, de fait, son stress sera bien moindre et sa motivation décuplée. Hélas, la réciproque est aussi vraie…
– Produire de la confiance en fixant des objectifs. Les outils tels que le SMART (Spécifiques, Mesurables…), le DOCOD…impactent positivement la confiance en soi et la motivation des joueurs. ne pas surestimer l’enjeu du match qui arrive; l’entraineur doit: créer les conditions qui vont pousser le joueur à être concentré sur sa mission et les actions à réaliser plutôt que sur d’autres difficultés qui ne sont pas sous son contrôle; évoquer les forces mais surtout appuyer les faiblesses de l’adversaire afin qu’il soit intimement convaincu que la victoire est possible; identifier puis effacer les croyances négatives et les pensées paralysantes (ex: si je suis nul, je ne serai plus titulaire, si je ne marque pas, le coach va me sortir, mon adversaire direct est plus fort que moi, je ne suis pas au top physiquement…).
– Garantir la sérénité: l’entraineur devrait:
- S’employer à donner le plus de repères possibles à ses joueurs (routine d’entrainement et de préparation, précision des consignes, des feedbacks et autres critiques constructives)
- Être attentif à son body language (qui traduit souvent l’état mental (énervé, stressé, en confiance, déterminé…) et à celui de ses joueurs (son corps, son visage, son regard nous donnent parfois plus d’informations et de vérités que ses mots).
– Favoriser la récupération (physique et mentale); se relaxer, se reposer, bien dormir
– Adapter la charge de travail en fonction de la programmation, des échéances et de l’état de fatigue physique et mentale des joueurs.
– Être prêt physiquement, techniquement et tactiquement: une bonne condition physique et surtout le fait que le joueur soit « au courant » qu’il est en pleine forme physique, va nécessairement agir sur la gestion de son mauvais stress. Idem concernant le technico-tactique.
– Avoir une bonne hygiène de vie: Une alimentation saine et équilibrée, éviter (ou réduire) le tabac, l’alcool, le café et tout autre type d’excitants.
Fin de la 3ème partie. Dans la 4ème et dernière partie, nous évoquerons ce que peut apporter un préparateur mental à la gestion du stress des footballeurs.
Clément Durou
Les éducateurs, entraineurs, joueurs, parents…souhaitant passer (ou faire passer) les tests permettant de mesurer le stress, la motivation, la confiance, la concentration…mais aussi la qualité de la relation entraineur/entrainé, la cohésion du groupe, le leadership…peuvent me contacter à l’adresse suivante: clementdurou@gmail.com